Un ticket pour l'espèce

Retrouvons la beauté de notre famille humaine perdue

TARDIGLOBE
Périodique numérique d'actualités scientifiques consacré aux nouvelles découvertes permettant de retracer l'histoire de la vie sur Terre.

Auteur réalisateur : Sophie Cattoire
journaliste grand reporter

Retrouvez l'intégralité des vidéos du TARDIGLOBE sur sa chaîne YouTube :
https://www.youtube.com/@tardiglobe

Reconstruire les visages de la préhistoire

Rencontre avec Élisabeth DAYNÈS, paléo-artiste et Bruno MAUREILLE, paléoanthropologue, au sujet de l'aspect et de la couleur de la peau de nos ancêtres.

La lignée humaine en os et en chair par Élisabeth DAYNÈS

RECONSTRUIRE LES VISAGES DU PASSÉ SANS LES PRÉJUGÉS D'AUJOURD'HUI

Comment faire d'un crâne un visage, et de quelques fragments de squelette le corps assorti ?

Parlons peu, parlons Tardigrade.

La communauté scientifique cherche un peu partout dans le monde des traces de notre passé. La découverte d'un crâne attribué à la lignée humaine est, en la matière, la récompense suprême. Ces crânes depuis si longtemps sous terre sont souvent aplatis, incomplets, tout comme les restes des squelettes associés. Malgré tout, forts de technologies numériques de plus en plus performantes, les chercheurs parviennent à reconstituer ces crânes et leurs squelettes et à en faire des moulages, fidèles copies des fossiles originaux.

Sur la base de ces moulages que lui confient les scientifiques, Élisabeth DAYNÈS entreprend de reconstituer la tête et le corps que ces gens-là avaient, après avoir rassemblé le maximum d'informations les concernant.

Elle travaille en étroite collaboration avec les chercheurs pour connaître le mieux possible les conditions de vie qui furent les leurs. Les fouilles archéologiques menées autour des vestiges humains vont lui fournir des données concernant la faune, la flore, la météo, autant d'éléments propices à ouvrir une fenêtre sur leurs vies passées.

Par ailleurs, Élisabeth DAYNÈS travaille avec le Docteur Jean-Noël Vignal, anthropologue médico-légal de l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN), situé au Fort de Rosny-sous-Bois. Pour ce qui concerne le genre Homo, en utilisant des éléments de comparaison avec le présent, les méthodes de la gendarmerie scientifique appliquées aux crânes fossiles vont permettre de déterminer le sexe, mâle ou femelle, ainsi que l'âge et la raison du décès.

Sur la base de ce faisceau d'éléments, Élisabeth DAYNÈS commence par modeler les muscles sur les attaches osseuses, ce qui nécessite une connaissance parfaite de l'anatomie. Ensuite, et c'est là qu'elle accomplit une œuvre unique et essentielle pour nous aider à comprendre nos origines, elle recrée une expression, une personnalité, un regard et plus fort encore, une présence.

Depuis une trentaine d'années, elle est sollicitée par les musées du monde entier en raison de ce talent exceptionnel, à la frontière de l'art et de la science.

Engagée dans l'aventure du TARDIGLOBE, Élisabeth DAYNÈS nous explique en quelques mots sa motivation profonde : « Essayer de montrer de véritables individus ayant vécu dans des temps préhistoriques, et non pas reproduire de simples schémas soumis à des préjugés, pour rendre à ces hommes et à ces femmes leur dignité et montrer la variété perdue de la famille humaine ». Un beau projet magnifiquement réalisé qui contribue largement à faire progresser en effet la vision de nos origines.

Elisabeth DAYNÈS dans son atelier parmi les siens - Photo © : Sophie CATTOIRE

LE CHARME PUISSANT DU NÉANDERTAL DE LA FERRASSIE

LE CHARME PUISSANT DU NÉANDERTAL DE LA FERRASSIE

« Néandertal, c’est vraiment ma famille préférée » prône avec tendresse Elisabeth DAYNÈS aux côtés de sa reconstruction anthropologique de l’Homme de La Ferrassie. Son squelette fut découvert en 1909 à Savignac-de-Miremont en Dordogne, où il vécut et périt il y a 50 000 ans.

« Pour la première fois, j’ai eu le choix de la position, dans le cadre d’une commande financée par une donatrice américaine. Et là, sans agressivité mais avec un certain charisme, il a les bras croisés et il regard droit devant en nous demandant : Vous avez un problème avec ma tête ? Vous voulez qu’on en parle ? »

Elisabeth DAYNÈS, paléo-artiste, aux côtés d'une reconstruction anthropologique de l'Homme de La Ferrassie dont elle est particulièrement fière. Photo © : Sophie CATTOIRE

LA COULEUR DE PEAU DES GENS DÉPEND DE L’ENSOLEILLEMENT

POUR EN FINIR AVEC LA NOTION DE RACE HUMAINE INVENTÉE DE TOUTE PIÈCE POUR JUSTIFIER L'ESCLAVAGE, LA SHOAH ET L'APARTHEID

Des études récentes (2017) ont mis en évidence le fait que suite aux différentes sorties du continent africain, les populations noires arrivées en Europe ne sont pas devenues blanches aussi rapidement qu’on pouvait l’imaginer.

Sur les terres froides où vivent aujourd’hui les Inuits, on pensait que faute de pouvoir synthétiser la vitamine D en raison de leur peau foncée, les populations sorties d’Afrique n’auraient pas pu survivre. Or, il s’avère qu’en mangeant principalement du renne, ces Homo sapiens anciens avaient, grâce à cet important apport en graisse animale, réussit à synthétiser la vitamine D et donc, à survivre.

On estime actuellement qu’il faut plusieurs centaines de milliers d’années pour que la pigmentation de la peau se modifie vers des teintes plus claires ou plus foncées.

Les hommes et femmes de Néandertal ayant vécu en Eurasie au moins 400 000 ans (de -430 000 à -30 000 ans), leurs derniers représentants, comme ceux de La Ferrassie qui vécurent en Dordogne il y a 50 000 ans, ont pu en effet être in fine roux aux yeux bleus et au teint clair, tandis que leurs prédécesseurs sont longtemps restés bruns, aux yeux noirs et au teint cuivré.

Tout se fait en réalité très progressivement. La couleur de peau des gens met des centaines de milliers d’années à changer et elle le fait en fonction de l’ensoleillement. Il n’y a pas de races humaines distinctes, seulement une permanente et invisible - tout du moins à l’échelle d’une vie - transformation de tous les êtres vivants en réponse à leur environnement, qui lui-même change tout le temps.

Pour mémoire :
La seule couleur de peau des populations africaines a servi d'argument pour l'esclavage de ceux-ci par les Occidentaux entre le XVIᵉ et le XIXᵉ siècle. De même, au XXᵉ siècle, cette notion de « race » a été utilisée pour justifier notamment la perpétration de la Shoah par les Nazis, l'apartheid en Afrique du Sud et la ségrégation aux États-Unis. Elle n'est plus employée aujourd'hui dans la description du monde vivant pour désigner les espèces et sous-espèces du monde animal dont les hommes font partie. Elle est seulement demeurée valide pour distinguer les sélections génétiques imaginées par les humains pour produire leurs animaux domestiques.

Pierre-Pascal ETOUNDI-LINGDOM et Sophie CATTOIRE à la cité fertile des possibles DARWIN - Bordeaux - FRANCE - Photo © : Vincent LESBROS

Bruno MAUREILLE préhistorien explique pourquoi il soutient le TARDIGLOBE

Bruno MAUREILLE préhistorien explique pourquoi il soutient le TARDIGLOBE

Lors du lancement du projet TARDIGLOBE à l'occasion de la Fête de la Science, Bruno MAUREILLE, paléoanthropologue à l'Université de Bordeaux, c'est-à-dire anthropologue des hommes du passé, explique l'importance de fournir une information scientifique de qualité sur le média Internet, en complément de l'héritage culturel sociétal. C'est pourquoi il soutient le TARDIGLOBE, périodique numérique d'actualités scientifiques consacré aux nouvelles découvertes permettant de retracer l'histoire de la vie sur Terre.

Bruno Maureille, anthropologue, lors des fouilles de La Ferrassie - Dordogne - FRANCE Photo © : Sophie Cattoire

DARWINIUS MASILLÆ

IDA - adapoïde découvert à Messel - ALLEMAGNE - 1983 - Estimé à 47 Ma

Ce primate se situerait avant la séparation des deux lignées menant pour l’une aux singes et aux hommes et pour l’autre aux lémuriens actuels.

DARWINIUS MASILLÆ – découvert à Messel - ALLEMAGNE - 1983 - 47 Ma. Collection Muséum national d’Histoire naturelle – Paris – FRANCE – Photo © : Sophie CATTOIRE

SAHELANTHROPUS TCHADENSIS

TOUMAÏ - découvert dans le désert de Djourab - TCHAD - 2001 - Estimé à 7 Ma

Il serait membre de la lignée humaine, proche de la divergence entre les Panines (comprenant les bonobos et les chimpanzés) et le genre Homo.

Reconstructions anthropologiques : Élisabeth DAYNÈS – Paris – FRANCE – Photos © Daynès / © Plailly / © Entressangle

AUSTRALOPITHECUS AFARENSIS

LUCY - découverte dans la région d’Afar - Éthiopie - 1974 - Estimée à 3,2 Ma

Hominidé bipède ayant vécu en Afrique entre 4 et 3 Ma, exclu du genre Homo.

Lucy ou Lucien ? Lucy serait un mâle d’après l’analyse de son os pelvien.

Reconstructions anthropologiques : Élisabeth DAYNÈS – Paris – FRANCE – Photos © Daynès / © Plailly / © Entressangle

HOMO HABILIS

KNM ER 1813 découvert à Koobi Fora - KENYA - 1973 - Estimé à 1,9 Ma

Homo habilis (homme habile) serait apparu en Afrique il y a 2,5 Ma.

Il est l’artisan de la plus ancienne industrie lithique nommée Oldowayenne.

Reconstructions anthropologiques : Élisabeth DAYNÈS – Paris – FRANCE – Photos © Daynès / © Plailly / © Entressangle

HOMO ERECTUS

SANGIRAN 17 découvert à Java - INDONÉSIE - 1969 - Estimé à 1,3 Ma

Homo erectus (homme debout) apparaît en Afrique il y a 1,9 Ma puis migre vers les autres continents. On lui attribue la maîtrise du feu il y a 400 000 ans.

Reconstructions anthropologiques : Élisabeth DAYNÈS – Paris – FRANCE – Photos © Daynès / © Plailly / © Entressangle

HOMME DE NÉANDERTAL

L’HOMME DE LA CHAPELLE-AUX-SAINTS et PIERRETTE

Corrèze - 1908 et Saint-Césaire - 1979. Apparu sous sa forme néandertalienne il y a 400 000 ans en Europe, disparu progressivement à partir de -30 000 ans. On sait à présent qu’en dépit du rejet que son premier crâne fossile a suscité lors de sa découverte dans la vallée de Néander en Allemagne en 1958, c’est sa spécialisation aux ères froides et aux glaciations qui l’ont rendu plus robuste, restant en même temps tout à fait interfécond avec les Homo Sapiens, sans frontière d’espèces.

Reconstructions anthropologiques : Élisabeth DAYNÈS – Paris – FRANCE – Photos © Daynès / © Plailly / © Entressangle

HOMO SAPIENS

MANDAL MAN - Corée du Nord - 1985 - Estimé entre -40 000 et -8 000 ans

En dépit de la diversité des apparences, tous les hommes qui peuplent aujourd’hui la Terre appartiennent à la même espèce car ils sont interféconds.

Reconstructions anthropologiques : Élisabeth DAYNÈS – Paris – FRANCE – Photos © Daynès / © Plailly / © Entressangle